TEMA 5
Jérôme BASCHET
EHESS, Francia
L'HISTOIRE FACE AU PRESENT PERPETUEL
Quelques remarques sur la relation passé/futur
On partira des outils proposés par R. Kosseleck pour penser la relation passé/futur (la tension entre champ d'expérience et horizon d'attente) comme constitutive de la conception du temps historique. Aux trois configurations attestées dans l'histoire occidentale qu'il analyse, on proposera d'ajouter deux étapes supplémentaires. On caractérisera la configuration contemporaine comme domination d'un présent perpétuel, dont le poids tend à réduire aussi bien notre champ d'expérience que notre horizon d'attente; puis on tentera de dessiner l'horizon actuel d'un dépassement de cette domination du présent perpétuel.
Revenant préalablement sur la relation passé/présent, on se demandera pourquoi nous étudions les sociétés anciennes, et on s'efforcera de combiner, tout en les critiquant, deux approches contradictoires, l'une qui joue des effets de proximité du passé, l'autre qui souligne l'irrémédiable distance qui nous en sépare. Il s'agit, à travers cette question, de définir la position instable de l'historien, soucieux de concilier le désir d'une histoire au présent et la nécessaire plongée dans un passé distant et en partie mort.
Ces ambivalences conduisent à penser autrement la relation passé/futur. Cessant d'être les ennemis irréductibles qu'ils furent sous le règne de Ïa modernité, passé et futur se répondent et peuvent se mêler en une imprévisible discordance des temps. On analysera quelques figures d'une telle relation (« poser un pied dans le passé et l'autre dans le futur »), qui pour autant ne se confondent pas avec celles de la postmodemité, et qui s'allient à la défense d'une pensée résolument historique, indispensable pour restaurer d'un même mouvement un espace d'expérience et un horizon d'attente ouvert.